La diversité et l'inclusion, la mobilité et l'ascenseur social comme solutions à la pénurie de main d'œuvre

Work Matters : les experts débattent

Durant l'évènement Work Matters de Denuo, nous avons réuni une série d'experts pour nous parler des défis et des solutions face à la pénurie de main d'œuvre que nous connaissons actuellement en Belgique.

Le panel était constitué des personnes suivantes :

  • Arne Theylaert, Directeur Service, VDAB
  • Liesbeth Driesen, Directrice chef de Service Employeurs, Actiris
  • Yves Magnan, Directeur Général Produits et Services, Le Forem 
  • Ortwin Magnus, Vice-Président, ABVV Metaal 
  • Els Vanneste, HR Manager, Galloo
  • Modération : Raphaëlle Pollet, Secrétaire générale, Denuo

Nous résumons ci-dessous pour vous les messages clés de ce débat inspirant.

La diversité et l'inclusion

Les experts se sont, dans un premier temps, penchés sur la diversité et l'inclusion comme une solution pour faire face à la pénurie de main d'œuvre. Liesbeth Driesen, Directrice chef de Service Employeurs chez Actiris, nous a d'abord expliqué que la diversité n’est plus simplement une option, c’est devenu un must si l’on veut prendre en compte la population de notre pays dans toute sa diversité , à fortiori à Bruxelles. Elle a rappelé que la diversité augmente la rentabilité, la créativité et la productivité de l'entreprise. L’employeur a donc tout à y gagner à mettre en place une telle politique au sein de l’entreprise.

Cependant, comme nous l’explique Els Vanneste, HR Manager chez Galloo, cela nécessite un changement de culture. Pour reprendre les mots de Els : « Nous pensons que les femmes sont meilleures dans le secteur des soins et les hommes dans les métiers plus techniques et plus lourds mais c’est notre culture, ce n’est pas notre nature. Les chefs d’entreprise vont devoir s’en rendre compte mais une culture met du temps à être changée. Grâce à de petits pas, nous pouvons changer cette culture. » Nous pouvons déjà constater cette évolution puisque certaines femmes conduisent maintenant des buldozers ou se lancent comme soudeuses, ce qui était auparavant pratiquement inimaginable. Els a poursuivi en expliquant que pour changer cette culture, nous avons besoin de personnes modèles inspirantes et c’est justement le but du projet Women in Recycling. Il faut des modèles non seulement pour les employés mais aussi pour les ouvriers car les femmes y sont encore vraiment sous-représentées.

La mobilité interrégionale

La question de la mobilité au sein des régions, entre les régions et même entre les pays a ensuite été abordée. En Flandre, la crise des talents est particulièrement aigüe. Arne Theylaert, Directeur Service au VDAB, nous a parlé de l’importance de la mobilité inter-régionale et de la collaboration avec le FOREM et ACTIRIS pour pourvoir les postes dans les provinces qui connaissent un taux de chômage oscillant entre 2 et 0%. Il explique que pour atteindre l’objectif de 80% d’emploi d’ici 2030, nous avons besoin de sang frais et donc de recruter hors de la Flandre. Yves Magnan, Directeur Général Produits et Services au Forem,  explique que la Wallonie a réactivé le plan langues pour former les demandeurs d’empois wallons au néerlandais et qu'ils puissent ainsi travailler en Flandre.

Malheureusement Yves Magnan et Liesbeth Driesen doivent constater que la mobilité physique reste un problème, en particulier pour les entreprises telles que les nôtres qui se trouvent dans des zones industrielles et mal voire non desservies (horaires des ouvriers travaillant en équipes) par les transports en commun. Il est nécessaire de mettre en place des moyens de transport collectifs vers les entreprises.

Chez Galloo, beaucoup de Français sont également engagés étant donné la pénurie de main d’œuvre locale. Il n’est même plus nécessaire de parler le néerlandais. L’entreprise s’est adaptée et toutes les instructions de travail et documents sont disponibles en français. Une autre difficulté consiste en les différences de régimes et conditions de travail d’un pays à l’autre. Un grutier en France travaille 35 heures alors qu’un grutier en Belgique en travaille 38. Les salaires ne sont pas alignés non plus. Pourtant ces personnes travaillent sur le même chantier, ce n'est pas logique ni juste. Els émet le souhait quelque peu utopiste (mais il faut pouvoir rêver pour faire de grandes choses) d’une Union européenne unifiée en termes de conditions de travail pour faciliter la mobilité des travailleurs.

L'ascenseur social

Une chose est d'attirer les talents mais pouvoir les garder dans l'entreprise et les faire évoluer en est une autre. En cela, l'ascenseur social peut également être vu comme un défi crucial mais aussi une solution pour pourvoir les postes vacants. 

Ortwin Magnus, vice-président d’ABVV Metaal, a insisté sur l’importance des travaux des parenaires sociaux qui ont conclu une convention collective de travail relative au travail faisable au sein de la sous-commission paritaire 142.01 (récupération des métaux). Ils ont notamment mis en place une formation de tutorat afin de former les travailleurs à pouvoir devenir le parrain ou la marraine d’un.e nouveau/nouvelle collègue.   Pour ABVV Metaal, le life long learning est essentiel, il faut que les travailleurs puissent continuer à être formés tout au long de leur carrière.

Le mouton à 5 pattes n’existe plus nous rappelle Yves Magnan : les entreprises doivent donc faire preuve de flexibilité et engager des personnes qu’ils formeront sur le tas/on the job. On parle de work based learning. Liesbeth Driesen plussoie ce message en nous expliquant que puisqu’on ne trouve plus de profils très qualifiés avec une expérience déjà acquise, il faut investir dans la formation en entreprise des profils juniors, c’est cela l’ascenseur professionnel. Arne Theylaert nous dit « recruter c’est investir ». Selon lui, les secrétariats sociaux ont un rôle à jouer et pourrait proposer des plans de développement/ des plans de carrière pour les travailleurs, en particulier pour les PME’s qui n’ont pas les moyens de s’en occuper en interne. Pour les fonctions nécessitant davantage de compétences et d'expérience, il conseille de privilégier le recrutement en interne grâce aux plans de carrière. De nouvelles recrues avec beaucoup de talents peuvent quant à elles commencer en bas de l’échelle avec de belles perspectives pour la suite.

Els rajoute qu’il faut former les travailleurs non seulement dans leur job mais aussi au travail en général et à l’éthique du travail avec une approche plus globale. Elle lance un appel aux partenaires tels que le VDAB, FOREM et ACTIRIS pour recevoir de l’aide sur le terrain pour faire évoluer les travailleurs et les accompagner sur le plan social et mental.

Pour conclure, notre secteur veut donner une chance aux personnes qui ont la motivation nécessaire. L’attitude est plus importante que le diplôme. Ortwin Magnus a clotûré ce débat en nous racontant l'histoire d’une travailleuse ayant gravi l’échelle sociale dans notre secteur. Une personne ayant travaillé 16 ans comme trieuse dans la récupération du métal. Elle avait fait le tour et souhaitait plus  de responsabilité et de diversité dans son job. Un poste vacant s’est ouvert au sein de l’entreprise pour la conduite d’un énorme buldozer. Elle a reçu beaucoup de remarques en interne de collègues visant à la décourager lui disant que ce n’était pas un poste pour une femme. Elle a pourtant pris son courage à deux mains, a postulé, suivi une formation et passé un examen et a obtenu le poste. Ortwin raconte que quand il la voit, elle est très motivée et heureuse dans ce poste. C’est une véritable plus-value pour l’entreprise. Beaucoup d'autres histoires de ce type existent et elles doivent servir d'exemples pour inspirer d'autres personnes et entreprises.

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