Cas : Broeckx Plastic Recycling anticipe la réglementation européenne renforcée
Que faire en tant qu’entreprise familiale lorsque les règles du jeu du marché européen changent fondamentalement ? Chez Broeckx Plastic Recycling, on avait anticipé depuis longtemps le durcissement de la législation en misant pleinement sur l’innovation technologique. Mais Twan Hesselmans, co-propriétaire, prévient : « Sans politique volontariste, le modèle européen du recyclage risque de vaciller. »
D’une société de transport à un spécialiste de la collecte des plastiques
Fondée dans les années 1940 comme entreprise de transport, Broeckx Plastic Recycling s’est spécialisée depuis les années 1990 dans la collecte et le tri des déchets plastiques. Aujourd’hui, c’est la troisième génération qui est aux commandes, avec Twan Hesselmans et son cousin Koen Vromans. Depuis leur site à Esbeek, aux Pays-Bas, ils collectent chaque année pas moins de 30 000 tonnes de plastiques post-consommation. Il s’agit principalement de films LDPE propres, mais aussi de big bags et de plastiques rigides issus de l’industrie. « Environ un quart de ce volume est collecté directement chez nos clients en Flandre et dans le sud des Pays-Bas grâce à nos propres conteneurs. Ce sont souvent des clients avec lesquels nous collaborons depuis plus de dix ans », explique Twan Hesselmans. « Le reste arrive chez nous via d'autres collecteurs ou via des achats. »

Le tri selon l’indice MFI : vers une pureté de 99 %
Pour réduire sa dépendance à l’exportation, Broeckx développe depuis 2017 une ligne de tri avancée. Celle-ci trie non seulement par couleur ou type de matériau, mais aussi selon une approximation de l’indice de fluidité à chaud (MFI – Melt Flow Index), une mesure de la fluidité des plastiques lors du traitement.
« Grâce au tri MFI, nous pouvons diviser les flux plastiques en trois fractions pures : faible, moyenne et élevée. Cela facilite grandement leur recyclage direct par nos clients », précise Twan. « Nous visons une homogénéité de 98 à 99 %. Cela nous permettra bientôt de proposer un produit distinctif, prêt à l’emploi sans tri supplémentaire, et utilisable à grande échelle pour des applications de haute qualité. »
La technologie est actuellement en phase finale de test. Objectif ? Une ligne de tri d’une capacité potentielle de 80 000 tonnes, opérationnelle au moment de l’entrée en vigueur de l’interdiction d’exportation des déchets plastiques.

L’interdiction européenne d’exportation suscite des inquiétudes
L’annonce par l’UE de la fermeture des frontières aux déchets plastiques est arrivée plus vite que prévu. Et cela inquiète. « Nous nous attendions à un durcissement des règles, mais pas à une interdiction aussi radicale », confie Twan. « Le secteur n’est pas prêt à traiter tous les déchets au sein de l’Europe. Sans capacité suffisante, davantage de plastique risque d’être incinéré. »
L’exportation vers les pays non membres de l’OCDE cessera complètement à partir de 2025. Et l’export vers des pays comme la Turquie reste complexe : « La procédure de notification est coûteuse, lente et peu transparente. Le danger est que la Turquie obtienne une position quasi monopolistique, ce qui exercerait une pression sur les prix. »
Pas d’investissement sans perspective de rentabilité
Ces évolutions laissent peu d’options aux collecteurs et recycleurs. Le risque ? Que les déchets soient incinérés au lieu d’être recyclés – ce qui est à l’opposé des ambitions de l’UE en matière d’économie circulaire.
Dans les conditions actuelles du marché, il est difficile d’investir dans de nouvelles technologies ou capacités de recyclage. Twan explique : « Les recycleurs doivent à nouveau pouvoir dégager des bénéfices. Aujourd’hui, presque personne n’ose investir à cause de l’incertitude autour de la législation et des prix du marché. »
En tant qu’entreprise familiale, Broeckx a l’avantage de pouvoir prendre des décisions à long terme, sans pression des actionnaires. « Mais même dans ce cas, c’est compliqué. On ne peut pas investir des millions si l’on ne sait pas si, dans deux ans, on aura encore des matières premières à traiter ou des débouchés. »
Quatre leviers à activer
Selon Twan, il y a plusieurs leviers pour sécuriser l'avenir du recyclage des plastiques :
- Encourager l’utilisation de matières recyclées dans les nouveaux produits.
- Instaurer une taxe d’importation sur les plastiques vierges et les plastiques recyclés bon marché en provenance de pays hors UE, et utiliser ces fonds pour soutenir le recyclage.
- Harmoniser les règles européennes pour que chaque pays applique les mêmes critères et obligations, par exemple en matière de transfert de déchets (RETD).
- Fournir de la clarté à long terme : seule une vision stable permettra aux entreprises d’oser investir.


Besoin de collaboration et de politiques adaptées
Broeckx Plastic Recycling est prête à jouer un rôle moteur dans une économie circulaire des plastiques. Mais cela nécessite une politique qui soutient les investissements, développe les marchés et accompagne les entreprises innovantes.
« Nous entrons dans une période incertaine », conclut Twan. « J’ai peur que ce ne soit qu’après l’entrée en vigueur de l’interdiction que l’on réalise combien de plastique est réellement coincé dans le système. Espérons que cela conduira à une reconsidération réaliste des politiques. Mais d’ici là, le mal pourrait déjà être fait à notre infrastructure européenne de recyclage. »
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