L'interdiction des terrains en gazon artificiel va-t-elle renvoyer nos pneus au four ?

Entre 2014 et 2018, le parc automobile belge a augmenté de plus de 300 000 voitures. Cette évolution a non seulement entraîné une augmentation de la congestion sur nos routes, mais nous usons aussi collectivement des milliers de tonnes de pneus. En 2019, ce sont bien 90 000 tonnes de pneus usagés qui ont ainsi été produites. Mais que se passe-t-il exactement une fois que ces pneus sont en fin de vie ?

Les pneus usagés, qu'en est-il en Belgique ?

En Belgique, les fabricants (et importateurs) de pneus sont soumis à l'obligation légale de reprise, ce qui signifie qu'ils sont tenus de reprendre gratuitement les pneus usés ou cassés. C'est l'organisme de gestion Recytyre qui est chargé de la gestion de cette obligation de reprise en Belgique. Toutefois, la responsabilité de Recytyre est limitée aux pneus provenant du marché du remplacement, c'est-à-dire les pneus usés remplacés par un garage ou un centre de pneus et les pneus provenant du marché du montage d'origine de la voiture.

Pour ce faire, le consommateur paie une contribution qui soutient la collecte et le traitement ultérieur des pneus. A cette fin, Recytyre s'appuie sur un réseau de plus de 40 opérateurs privés qui collectent et traitent les pneus provenant de plus de 4 000 points de collecte (garages, centres de pneus, etc.).

Premier objectif : la réutilisation

La première étape de la procédure de traitement commence après la collecte. Tout d'abord, les pneus qui peuvent encore être réutilisés ou rechapés sont triés manuellement et conservés séparément. Ce tri est une obligation légale en Belgique. 

Dans la pratique, cependant, ces pneus sont souvent déjà triés par les points de collecte eux-mêmes avant qu'un collecteur ne vienne les chercher. Ces pneus sont généralement vendus dans les garages sous l'étiquette "pneus d'occasion". Bien que ces pratiques soient bénéfiques en soi, elles excluent ces pneus du système Recytyre et ne contribuent donc malheureusement pas aux taux de recyclage actuels. En effet, l'objectif de 10% de réutilisation et de rechapage n'a pas été atteint depuis de nombreuses années. La majorité des pneus déclarés comme recyclés dans le système Recytyre sont pour la plupart des pneus recyclés en dehors de l'Europe, souvent dans des pays africains, où les normes de sécurité pour les pneus sont beaucoup plus faibles.  

Récupération des matériaux précieux

Les pneus qui ne peuvent plus être réutilisés sont principalement recyclés afin de récupérer les différents matériaux précieux qu'ils contiennent. Ces matériaux se répartissent en quatre grandes catégories : le caoutchouc (naturel et synthétique), les charges chimiques (noir de carbone et silice), les matériaux de renforcement (acier et fibres textiles) et les composants chimiques (agents de vulcanisation et antioxydants).

Pour récupérer ces matériaux, les pneus sont broyés mécaniquement dans une installation de concassage, ce qui permet de déchirer et de broyer les pneus en petits morceaux. Seuls les collecteurs et les pré-transformateurs sont actifs en Belgique. Les pré-transformateurs procèdent à un premier "déchiquetage" qui consiste à réduire les pneus en petits morceaux qui sont ensuite envoyés aux transformateurs finaux en Europe et ailleurs.

Le niveau de finesse du broyage est déterminé par le produit final/la fonction dans laquelle les pneus seront utilisés. La grande majorité des pneus sont transformés en granulés ou en pellets de caoutchouc. Ceux-ci ont des débouchés variés tels que les objets moulés (roues en caoutchouc, poubelles, etc.), les aires de jeux, les pistes d'athlétisme, les tapis amortissants, etc. Le principal débouché de ces granulés de caoutchouc est le matériau de remplissage des pelouses artificielles.

Enfin, en Europe, de nombreux pneus sont encore brûlés pour la valorisation énergétique. Le caoutchouc a une valeur énergétique élevée, ce qui lui permet d'être utilisé comme combustible (également appelé combustible dérivé du pneu ou TDF- tyre derived fuel) pour remplacer les combustibles fossiles. Une autre raison pour laquelle encore un tiers des pneus usagés en Europe sont incinérés aujourd'hui est le simple fait que les débouchés existants pour le caoutchouc recyclé sont de plus en plus saturés.

Allons-nous devoir bientôt brûler davantage de pneus en Europe ?

Nos opérateurs belges sont également touchés par la crise. Ils ont vu les prix de la transformation augmenter de façon spectaculaire ces dernières années et ces derniers mois en particulier. Cette tendance ne fera que s'accentuer dans les années à venir. L'Agence européenne des produits chimiques (REACH) a proposé des restrictions importantes sur l'utilisation de certains granulés, afin de lutter contre la pollution par les microplastiques en Europe. L'une des conséquences de cette décision est que l'utilisation de granulés de caoutchouc dans les gazons artificiels sera interdite.

Tout ceci montre qu'il est moins une pour nos pneus usagés. Il y a un besoin urgent d'innovation et de recherche, afin de trouver des débouchés/applications de haute qualité pour le caoutchouc recyclé.  La recherche sur l'utilisation de caoutchouc recyclé dans la production de nouveaux pneus doit également être encouragée, mais étant donné la complexité d'un pneu, un pneu 100 % recyclé n'est pas encore une réalité pour demain. Des solutions alternatives sont nécessaires pour combler le fossé. Sinon, des milliers de tonnes de pneus finiront dans les incinérateurs et nous perdrons leurs matériaux précieux.

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